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Un lieu où les masques tombent.

Un lieu où vous vous verrez déchu de tout artifice. Celui du pouvoir qui vous a jusqu’ici pétri et enseveli. Celui du jeu théâtral quotidien, celui du mensonge.

Un lieu où toutes les identités, réprimées, atrophiées, trouveront la ferveur de se dévoiler.

Un lieu où il ne s’agit plus que de vous, de moi, et de la coalition de nos chimères respectives.

 

Et si la sentence doit être équivalente à l’offense, alors de l'abandon découlera l'absolution, car ici, la Loi, c’est en tête à tête avec moi.

«Est-ce donc ici le pays de tous les pots de couleurs ?» — dis-je.
Le visage et les membres peinturlurés de cinquante façons : c’est ainsi qu’à mon grand étonnement je vous voyais assis, vous les hommes actuels !
Et avec cinquante miroirs autour de vous, cinquante miroirs qui flattaient et imitaient votre jeu de couleurs !
En vérité, vous ne pouviez porter de meilleur masque que votre propre visage, hommes actuels ! Qui donc saurait vous reconnaître ?
Barbouillés des signes du passé que recouvrent de nouveaux signes : ainsi que vous êtes bien cachés de tous les interprètes !
Et si l’on savait scruter les entrailles, à qui donc feriez-vous croire que vous avez des entrailles ? Vous semblez pétris de couleurs et de bouts de papier collés ensemble.
Tous les temps et tous les peuples jettent pêle-mêle un regard à travers vos voiles ; toutes les coutumes et toutes les croyances parlent pêle-mêle à travers vos attitudes.
Celui qui vous ôterait vos voiles, vos surcharges, vos couleurs et vos attitudes n’aurait plus devant lui que de quoi effrayer les oiseaux. 

En vérité, je suis moi-même un oiseau effrayé qui, un jour, vous a vus nus et sans couleurs ; et je me suis enfui lorsque ce squelette m’a fait des gestes d’amour. »

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Friedrich Nietzsche

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